Coup d’épée dans l’eau
Ô, que je trépignais d’impatience devant celui-là. Ayant raté sa seule présentation en salle à Fantasia il y a deux ans, que je me frottais les mains quand Shudder a annoncé l’acquisition. Un Canadien en Asie, qui tourne un film durant la pandémie qui parle (évidemment) de virus hors-contrôle, et qui se sert du concept pandémique pour livrer une critique sociale ? Absolument.
D’autant plus qu’il était omniprésent dans mes lectures entourant le cinéma d’horreur, moussé comme un film extrême, un visionnement difficile.
Eh, ben… non.
C’est en fait une grosse pâte molle ; bien que ça démarre de manière intrigante (on nous présente Taipei en confinement, et on nous montre quelque peu l’impact d’une telle mesure sur les individus entassés dans des grands édifices), très rapidement, ça va nulle part.
Rob Jabbaz crée quand même une assise de base intéressante alors qu’il nous présente ce qui semble être les protagonistes ; lui, qui travaille dans une industrie du cinéma pas très fiable, elle qui est carriériste – un joli tandem qui place en conflit deux approches très différentes.
L’arrivée du virus gâche tout (et c’est dans la première demi-heure). Bien que le concept du “zombie dépravé sado-maso hypersexualisé” soit transporté à l’écran de manière convaincante, y’a plus grand chose de choquant en 2022 à voir des ainés hurler des insanités. Ni à ramener tout à des perversion sexuelles (suggérées). Ç’aurait peut-être ébranlé y’a trente ans.
Mais c’est pas ce qui fait le plus mal ; ce qui devrait nous tenir en haleine, soutendre le récit, c’est la convergence des efforts des protagonistes ; elle doit survivre au creu de la zone urbaine envahi alors que lui doit la rejoindre par la route qui contourne Taipei, puisque le retour à la maison n’est plus possible.
Une trame très semblable à celle de Train to Busan, mais sans le bénéfice du huis-clos. Ce qui permet au film de se perdre dans une enfilade de scènes plus ou moins décousues, qui ne servent qu’à enfiler des setpieces plus ou moins dégueux (les geysers de sang, c’est plus très nouveau), tout en prenant bien soin de pas étoffer la psychologie des protagonistes (qui restent en carton) ni de nous montrer un peu de leur quotidien – y’a bien quelques tentatives de métaphores sur la violence refoulée, la duplicité des gouvernements/le désenchantement, l’homme étant un loup pour l’homme, mais c’est si peu dans toute l’affaire.
Au final, ça ressemble à jeu vidéo anémique aux dialogues insipides et aux conflits annoncés d’avance, et la fin qui se veut déchirante et dure nous laisse plutôt devant un mélo inachevé qui penche vers le ridicule.
La direction photo est saisissante, l’éclairage en particulier laissant des moments puissants et impressionnants. Mais c’est pas assez pour tenir un récit. Et ne me parlez surtout pas de l’escapade avec le virologue, c’en est presque triste de voir un cliché mis en avant plan de manière aussi grotesque.
Grosse, grosse déception, et pas du tout ce qu’on nous annonce.
Vu sur Shudder.