Diablement efficace
Julien Maury et Alexandre Bustillo, le duo derrière le film, sont de la même génération et de la même école extrême française que Xavier Gens (Frontière(s)), Alexandre Aja (Haute Tension), Pascal Laugier (Martyrs), pour ne nommer que ceux-là. Ce sont des réalisateurs qui s’inspirent grandement du climat de terreur des grand slashers des années 70s/80s mais qui y greffent une brutalité graphique et viscérale qui parle des grandes obsessions de leur époque.
Alors que la majorité de leurs contemporains ont des visions vastes et embrassent large (avec plus ou moins de succès selon chacun ; tout particulièrement Laugier, dont les délires religieux détruisent complètement son introspection sur la douleur et ses effets pervers), la paire Maury/Bustillo se penche sur un huis-clos intense, rapide et agressif qui laisse très, très peu de temps pour souffler ; ici, c’est le ressenti qui prime, et non le cérébral – le dialogue est épuré et rare (la scène dans la voiture lors la deuxième visite des forces policières étant particulièrement superflue), et on nous présente le récit tel sans symbolisme ou deuxième degré (quoique les dernières images pourraient nous faire voir les choses différemment?).
La trame narrative est d’une simplicité déroutante ; le film mélange creature feature et invasion de domicile sauf qu’ici, la créature est humaine, campée par une Béatrice Dalle complètement craquée, à l’allure démoniaque (jusqu’à la longue robe noire, le corset par-dessus et la tignasse ondulée qui ne serait pas hors contexte dans un film de sorcières), dont l’hostilité mal assumée crève l’écran d’intensité bestiale pour la majeure partie de sa présence.
Habile, mais pas sais failles
Une fois le choc initial passé, on se prend au jeu d’haïr Dalle, de recevoir ses vagues folles de violence et de n’y voir qu’une bestiole complètement dérangée qui a frappé au mauvais endroit, bien que le film nous laisse quelques indices dès le départ que quelque chose cloche.
Choisir comme plan d’ouverture la puissante tragédie d’un accident automobile est un joli tour de passe-passe, bien qu’une fois encore ici on nous laisse des indices.
Par contre, le dernier tiers, alors que la créature est en plein essor et que les boulons ont sauté sur la réserve, contient plusieurs éléments (que je qualifierais d’erreurs) qui sont en fait des tropes qui affaiblissent le résultat final (l’ami externe trop bête pour saisir ce qui se passe avant qu’il ne soit trop tard, les forces de l’ordre assez intelligentes pour détecter que quelque chose ne tourne pas rond mais pas assez brillantes pour leur propre survie, la protagoniste qui passe de Wendy Torrance à Sarah Connor en quelques secondes, pour ne nommer que ceux-là).
Malgré tout, ça reste un film à voir (avis aux âmes et estomacs sensibles – c’est un film rageur, violent et graphique, c’est une vraie pellicule horrifiante – presque pas de “jump scares” (tant mieux!) mais de l’horreur corporelle à la tonne). La conclusion est logique et très dure, et les dernières secondes nous laissent le temps de vraiment se demander qui est le pire monstre dans toute cette histoire et jusqu’où la douleur psychique peut pousser un individu – le contraste entre la réaction à la perte des deux personnages principaux est saisissant.
La direction photo est efficace, avec quelques jolis clins d’œil au giallo italien via une palette de couleurs saturée et l’usage de massifs ciseaux (les ciseaux!). Le montage est essoufflant mais sur des rails à haute vitesse, gardant le récit serré et soutenu. Le design sonore et musical est minimaliste et définitivement hanté par Carpenter.
Cru et raide, tracé à gros traits (le film ne fait pas dans la dentelle ou la sophistication, et c’est tant mieux), ce n’est pas un visionnement facile, mais c’est tout-de-même recommandé.
Vu sur Shudder