Rian Johnson, compétent mais inégal
J’avais adoré le film Looper, de Rian Johnson ; un film de science-fiction grand public, qui parle de voyage dans le temps sans nous prendre pour des cons ? Oui, s’il vous plaît ! J’avais ensuite haï son The Last Jedi – un film tiède, sans saveur, qui sacrifie un personnage culte dans une scène absurde.
J’ai donc approché Knives Out avec grande réserve, bien que la critique et le buzz qui l’entourait était très bon.
J’ai été agréablement surpris
Divertissant
Hommage très clair au jeu Clue et aux livres d’Agatha Christie, on ressent fortement que tout le monde s’amuse à jouer au mystère de “mais qui est l’assassin?” dans un manoir fermé. Le temps de présence des acteurs est habilement distribué (les histoires entremêlées des différents protagonistes reçoivent une attention quasi-égale), mais la qualité des rôles, elle, n’y est pas.
Autant Daniel Craig crève l’écran dans la peau du gentleman détective Benoit Blanc, affublé d’une élocution lente, d’un accent du sud et de manières pas toujours délicates qui ne sont pas sans rappeler le Sherlock Holmes un peu bizarre de Robert Downey Jr., autant plusieurs autres sont coincés dans des personnages typés qui laissent place au cabotinage, bien que plusieurs des acteurs s’en tirent admirablement (chapeau à Michael Shannon et son loser tourmenté); Jamie Lee Curtis, tout particulièrement, est presque gaspillée. Mais que dire de Christopher Plummer, dans son dernier rôle, qui mord dans le rôle d’un vieux patriarche sur le déclin ?
On se prend au jeu quand même à suivre les péripéties qui nous sont présentées, malgré que la hâte à clore l’histoire qui aveugle les policiers est un peu dure à avaler, et que les changements de tempérament de l’infirmière (personnage principal s’il en est un) sont particulièrement brusques et difficiles à suivre. Et que dire de la (ahem) poursuite automobile ?
Ce qui grince le plus dans la première moitié de ce solide (deux heures) long métrage, c’est la difficulté à croire aux motifs potentiels d’assassinat – à un point tel que Johnson lui-même y fait allusion dans une scène où la police n’achète pas les théories de Benoit Blanc. Le suspense initial ne colle pas. Mais, dans la deuxième moitié, les choses s’emballent et démarrent pour vrai, le rythme s’accélère et le plaisir s’installe pour de bon.
Le personnage de Blanc est extrêmement bien écrit et (bien que certains le trouveront indigeste) le jeu de Craig est solide et rafraîchissant (je l’ai toujours trouvé fade et sans facettes – un grand plaisir de le voir composer quelque chose de nouveau ici), au point où Netflix s’est procuré Knives Out 2 et 3 à très fort prix.
La scène de la grande révélation est du pur gâteau, avec la tirade de Blanc qui nous le montre comme un être brillant et cérébral, à qui pas grand chose n’échappe.
Un divertissement grand public à voir, une boisson rafraîchissante à la main, histoire de rigoler. Je vous mets au défi de relever les indices que Blanc a relevé tout au long du films (et que Johnson ne cache pas) afin de démêler cette histoire qui est un peu plus complexe qu’elle n’en a l’air.
Un film qui réfléchit
À travers une mise en scène convenue et efficace, Johnson y va quand même avec des commentaires sur les élites déconnectées assez directs et écorche les nouveaux riches pour notre grand plaisir (la remarque sur le “manoir ancestral” durant la révélation est particulièrement drôle, et l’histoire qui tourne autour de l’immigration illégale pince). C’est rafraîchissant dans un film de divertissement grand public.
Vivement les suites !
Vu sur Blu-Ray