Wishmaster ressemble à un Freddy Krueger photocopié, re-photocopié et re-photocopié jusqu’à en laisser une trace floue et quelque peu difforme. On y retrouve des clins d’œil (ou des emprunts, l’intention n’étant pas toujours claire) à d’autres œuvres (ne serait-ce que dans la séquence de panique qui ouvre le film, dans laquelle on peut y remarquer des copies d’effets spéciaux de Star Wars (!), entre autres).
La structure narrative est identique : un méchant surnaturel, une héroïne prise pour cible malgré elle (bien qu’elle soit un peu plus responsable de son malheur que la Nancy de Nightmare on Elm Street) dont la personnalité alterne entre courage déterminé quasi-aveugle et décompensation hystérique, des personnages secondaires guignols surjoués et un peu d’horreur organique pour bonne mesure.
La facture visuelle est ancrée au coeur de son époque, avec une texture télé ; si ce n’était des moments d’horreur organique (réussie, d’ailleurs), le truc pourrait passer pour un épisode de Freddy’s Nightmare. Ses décors vides, plats et grossiers, soutenus par un éclairage coloré très contrasté qui font écho (sans ne jamais les emprunter totalement) au giallos des années 70, sont quand mêmes utilisés à bon escient par le réalisateur Kurtzman et son équipe.
De plus, l’antagoniste est un Djinn, dont la mythologie raconte que la créature cherche à exaucer des vœux humains, et que lorsqu’un individu à exercé son troisième vœu, les dimensions de l’espace et du temps se fusionneront et un déferlement de créatures horribles se produira. Celui-ci est campé par Andrew Divoff, un acteur de série B au visage à angles saillants taillés à la scie mécanique, avec une espèce de boîte à graves qui descend presqu’à la limite de l’oreille humaine en tant qu’appareil de parole. Et qui joue le monstre avec une collection de rictus de joie face à la douleur des autres qui pige directement dans le répertoire de Robert Englund, Freddy Krueger lui-même !
Mais ce n’est pas tout ! En plus de jouer les Freddy Krueger délavés, le film se permet Krueger, sans maquillage ! Rien de moins ; l’individu gourmand par qui tout arrive est personnifié par Robert Englund soi-même !
La bibitte, elle, vaut le coup – un mélange entre Swamp Thing, le Xénomorphe d’Alien et une plante verte, le costume et le maquillage sont saisissants, sauf qu’elle ne nous est livrée dans toute sa splendeur que dans un seul plan, la créature ne déambulant par le suite que dans un épais manteau aux aspirations royales qui, en fait, ressemble plus à un déguisement d’Halloween acheté à rabais chez Party Central.
Sans oublier la finale, complètement absurde (évidemment, l’héroïne triomphe du méchant, avec une entourloupe de logique ridicule qui nous fait presque lui crier dessus et qui en même temps nous fait douter de la toute puissance de cette lavette astrale aux capacités terrifiantes mais qui se fait retourner comme un vieux chandail au moment critique avec l’équivalent d’un coup de tennis complètement prévisible), qui fait l’effet d’un bon vieux crémage à la vanille surfait.
On finit le tout avec une boucle-cadeau complètement artificielle – bien que le film se broche le nom de Wes Craven ‑réalisateur derrière Freddy – dans le front, il n’y a rien contribué autre que son nom, occupé qu’il était avec Scream 2.
Alors pourquoi on se tape (jusqu’à la fin!) une copie translucide de l’extraordinaire Nightmare on Elm Street ? Plusieurs raisons :
- C’est quand même bon enfant – le Djinn prend un plaisir malin à déformer les vœux de ses pauvres victimes en capharnaüm mesquin, et y’a des trouvailles qui font sourire
- Y’a beaucoup plus de bruit que de dégoutant, c’est dont plus près du gâteau hyper-sucré que du plat à saveur étrange (causant une vraie épouvante) qu’est Nightmare ; le rythme est soutenu et y’a pas vraiment de dialogue qui cloche (bien que trop d’exposition – on n’a pas besoin de se faire tenir la main jusque dans les moindres détails, Kurtz!)
- Ça peut être une bonne introduction au film d’horreur pour les ados (le sujet étant beaucoup plus fantasque, ça frappe beaucoup moins fort)
- Y’a des cameos intéressants (Kane Hodder/Jason, Tony Todd/Candyman, Ted Raimi/Evil Dead)
- Ça reste drôle (surtout quand ça grince et que c’est pas voulu)
- Le Kraft Dinner, ça fait du bien une fois de temps en temps
Bref, c’est pas du temps perdu, mais on peut comprendre pourquoi le film est un artéfact qui divise la communauté des fans d’horreur – plus fantastique et guignol qu’horrifiant, ça passe vite et ça divertit, mais on n’en retient pas grand chose.
Autre élément notoire – ça passe le Bechdel Test, même quand c’est le méchant qui se fait passer pour une femme. Pas mal, pas mal – on aurait voulu les personnages féminins moins clichés, mais puisque ça reste un document de son époque…
Est-ce que ça valait une série de 3 autres bobines ? Alors là, pas du tout.
Vu sur Tubitv.