Max Richter est un compositeur classique moderne qui me renverse, chaque fois. Il est possible que vous l’ayez déjà entendu, il a prêté certaines pièces au cinéma (dont sa poignante On the Nature of Daylight à Shutter Island, lorsque Teddy voit sa femme s’effriter de toutes pièces) et composé plusieurs trames sonores.
Il fait partie de mon paysage sonore depuis bientôt 20 ans, ayant découvert sa musique avec son premier album (Memoryhouse). Sa recomposition des Quatres saisons de Vivaldi, pour Deutsche Grammophone, est un bijou.
Mais le joyau de ma collection musicale demeure Sleep, son projet le plus ambitieux : une composition de 8 heures (!) – il en existe une version concise d’une heure, mais quant à moi c’est une hérésie – conçue pour accompagner le sommeil de ses auditeurs. Et ça marche. Je pense ne jamais avoir entendu plus de 2 heures du truc avant de sombrer. Je me promets depuis des années de l’écouter une journée durant comme trame de fond.
Une oeuvre d’art contemplative, puissante et douce à la fois.
Y’a quelques années, j’avais entendu parler du fait que le bonhomme avait décidé de présenter la pièce complète, en direct, devant public. J’avais trouvé l’idée folle, mais je m’étais surtout mordu les doigts devant l’impossibilité d’être présent (aucune date au Canada).
Nathalie Johns y était, elle. En privilégiée, elle l’a suivi dans cette affaire. Et elle en a fabriqué un document à sa hauteur, dépassant l’événement et donnant la place à Max (et sa conjointe). Ils nous y expliquent la genèse du projet, le concept et ses questions fondatrices, et font certaines révélations choc – je ne me serais jamais imaginé le niveau de misère dans lequel le compositeur vivait jusqu’à y’a même pas 10 ans.
C’est un tableau vivant qui, à partir du pari fou de présenter cette massive pièce 18 fois autour du monde, appuie le plaidoyer de Richter pour un monde moins fou, plus empathique, plus lent. Les images sont très belles, et la musique de Richter mise à l’honneur. Plus qu’un film concert, c’est un vrai document sur l’objet d’art et son auteur. Ça remplace pas l’expérience réelle, mais c’est quand même y toucher un petit peu.
Un petit deux heures de bonheur zen, en compagnie d’un homme introverti qui mérite d’être une superstar.
Vu sur Mubi