Un peu d’histoire – j’ai manqué mon premier rendez-vous avec Nina Forever à sa première sortie hors-Europe, au Festival Fantasia de 2015. Je m’étais, comme à l’habitude, surchargé, et me suis trouvé incapable de terminer ma gloutonnerie.
Le bruit qui courait sur le film m’a fait regretter, sur le coup, ma rencontre manquée. Et j’ai passé plusieurs années à me dire qu’il me faudrait bien le retrouver quelque part. Et hop ! Merci Shudder !
Quelle déception. Ç’aurait fait un court-métrage de 20 minutes original, avec du punch et des bouts drôles. Dans sa version longue… c’est, justement, long. Trop long.
Le film passe le premier deux tiers et étirer la (mince) sauce de ses personnages. Elle, c’est Holly ; petite fille introvertie qui travaille comme commis dans une épicerie dans une petite ville d’Angleterre. Lui, c’est Rob, qui finit par travailler dans l’épicerie en question. Nina, c’est son ex. Qui est morte dans un accident de moto.
On apprend que Holly étudie pour devenir ambulancière, et qu’elle a un kick sur Rob. Ou, plutôt, et c’est une distinction phare que le film glisse au passage pour le récupérer à la fin, elle un kick sur le gars qui a une ex morte y’a pas longtemps. Car, voyez-vous, derrière son petit visage de gamine rond qui a l’air d’une poupée, Holly est kinky. Elle aime les affaires bizarres, comme elle le dit directement à son copain blond qui la largue au début parce qu’elle est trop plate : “you know nothing about me”.
On va leur donner quelques points tout de même pour nous avoir évité le cliché de la jeune goth à la fascination morbide (quoique les 22 boucles d’oreilles à son oreille droite s’inscrivent peut-être en faux). C’est bien par fascination morbide qu’elle veut devenir ambulancière, semble dire le film. Pas certain que de vrais ambulancières seraient du même avis.
S’ensuit un espèce de mélo avec des plans léchés, désaturés et une atmosphère lourde de mumblecore qui tente (sans succès) de nous faire sympathiser avec Rob et accrocher à Holly.
Mais ça marche pas vraiment ; Rob est tellement faible comme individu qu’on y croît pas (et le fait que l’acteur qui le joue ressemble physiquement à un Vincent-Guillaume Otis qui marmonne tout le temps et ne possède qu’une seule expression faciale n’aide franchement pas ; ça nous force à la comparaison et c’est injuste pour Cian Barry, parce Vincent, il joue, lui). Rob n’arrive pas à se détacher de son passé, allant jusqu’à rendre visite à ses beaux-parents toutes les semaines en se comportant comme s’il était encore un membre de la famille.
L’espace de malaise dans lequel on veut nous faire planer goûte le carton.
Mais alors que Holly-la-wild et Rob-le-pogné se déshabillent et s’ébattent pour la première fois, arrive la fameuse Nina. Ou plutôt de fantôme de la fameuse Nina, puisqu’on sait qu’elle s’est pété la margoulette en moto quelque temps auparavant. En font preuve les nombreux éclats de verre qui lui sont collés dessus (parce que non seulement Nina apparaît toujours nue, mais elle est dans l’état exact du moment du décès. Un fantôme zombie, ça existe, ça?)
Holly se met à vouloir chasser Nina pour prendre toute la place. Et quand elle n’y arrive pas, on n’est plus certain pourquoi mais elle commence à tenter de remplacer Rob dans le rôle de l’attache de Nina.
Et tout d’un coup, dans la dernière demi-heure, ça s’accélère, ça va quelque part, ça bouge… et ça finit, malheureusement, pas mal en queue de poisson parce que rendu là, ben on a plein le casse.
Quelques scènes dans ce dernier tiers laissent entendre que le personnage de Holly est plus complexe que ce qu’on pourrait croire, mais c’est trop tard à ce moment-là pour vraiment nous intéresser.
C’est censé être tendre et drôle à la fois ; je ne trouve rien de drôle au personnage de Nina, fantôme plus que pâle (l’actrice est blanche comme un drap, mais les pages de son texte aussi, parce que, franchement, on ne lui donne pas grand chose à dire, et comme antagoniste à un couple qui tente de bâtir quelque chose, c’est faible ; elle se retrouve plutôt à jouer le pantin toujours nu, baveux et trop plein de confiance en soi). On se dit au début, bon, tiens, Nina c’est une métaphore sur le deuil, le refus de s’attacher, etc. Eh ben, non. Ça se veut plus tordu que ça, mais ça tombe à plat.
Ça veut traiter de deuil, de codépendance, de traumatisme, d’individus hors-normes qui se cherchent, de fixations morbides, de trucs weirds… et au final, ça sonne juste faux.
Je ne révélerai pas la surprise finale, mais disons que, comme je le disais en ouverture, ç’aurait fonctionné en court métrage là ou les motivations des personnages ne sont pas si importantes et que c’est la chute qui compte.
Ça se veut drôle et hip, c’est long et douloureux.
Bref, un beau gâchis dont je m’explique mal la réputation.
Vu sur Shudder.com.