Un film de Zombies.
Au Québec.
Ça, on avait déjà fait.
Mais Autochtone (MicMac)? C’est du nouveau. Et le résultat est un bijou.
Désolé, Robin, mais y’a quelque chose de plus puissant au coeur de cette fable-là ; la tienne a senti le besoin d’ajouter une sorte de mysticisme et de culte zombisque pour justifier son cannibalisme, alors que celle-ci n’a qu’à puiser dans son vécu. Là ou Les Affamés présente un petit groupe d’apeurés, coincés comme des rats et littéralement bouffés un à un, Blood Quantum nous montre une communauté forte, têtue et prête à se battre. Une communauté qui, au passage, y voit une vengeance de la planète sur son parasite numéro un.
La direction photo est splendide – les plans d’ouverture en survol d’un pont et d’un village rattaché, avec son ostentatoire église blanche et grise qui serait familière à Émilie Bordeleau, nous rappellent que les communautés autochtones vivent en retrait. L’utilisation des plans larges rappelle l’esthétique des années 70 et 80. La noirceur et le sombre sont omniprésents (difficile de ne pas voir un hommage à/une très forte influence de John Carpenter dans la grisaille du jour et les forts contrastes de la nuit naturelle percée par la lumière humaine artificielle). La texture visuelle est semblable à celle choisie par RKSS pour Turbo Kid, un de mes films favoris des dernières années.
Une fable post-apocalyptique de Zombie classique, avec une différence qui amène avec elle une nouvelle dimension : les autochtones ne s’infectent pas.
Le zombisme, voyez-vous, c’est une connerie de blancs ; un endocannibalisme qui n’est pas sans répercussion : on ne les infecte pas, mais on les mange quand même. Ce qui ne veut pas dire que tout est nette dichotomie – pas de ton hollywoodien des méchants contre les gentils ici ; la réalité, c’est gris, et chez les autochtones, c’est dur.
Je ne suis pas autochtone, je ne connais de leur monde que les quelques morceaux qu’on nous met sous le nez ; mais je sens dans ce film-là un cri de colère, et j’ai vraiment l’impression que c’est une vision juste (ou à tout le moins puissante) de ce qu’ils vivent. Le film me semble méticuleusement construit autour de la vie autochtone, du moins de l’époque – le récit se déroule en 1981, les choses ont peut-être changé depuis (je n’en suis pas convaincu).
Dès le premier plan du film, où l’on assiste au retour du large d’un pêcheur qui, sous ses yeux horrifiés, découvre que ses carcasses de poisson refusent de mourir, on ne peut s’empêcher d’y voir une allusion très claire à la destruction de leur mode de vie – c’est pas innocent que ça vienne de nous, et c’est loin d’être faux. De là, on nous tisse une carte de la communauté qui sera prise au piège, avec comme ligne directrice la difficulté de grandir dans un monde dur, de l’autre côté de la ligne invisibles. Les townies, comme ils les appellent, sont une autre gang – on appelle une ambulance chez eux, par exemple, et elle met toujours une éternité à se pointer.
J’ai lu des critiques envers le rythme, que certains trouvent inégal, non soutenu. Je m’inscris ici en faux. Si c’est Diary of the Dead que vous cherchez, et ben changez de stream. Ce film là n’est pas à propos des Zombies en soit. Il expose à travers eux les deux vitesses des cultures qui se confrontent ; l’une qui tente de prendre son temps (la cadence des dialogues nous le rappelle sans cesse), et l’autre qui est toujours pressée.
Sans parler des stéréotypes ; la scène ou le personnage de Lysol au visage ensanglanté se fait arrêter parce que les policiers de la SQ croient qu’ils s’est battu alors que l’histoire est tout autre est un peu crasse, rigolote, mais très directe.
C’est un film qui touche à des sujets pas faciles et importants dans son monde : les liens filiaux difficiles dans un univers explosé, le racisme qui existe tout autant à l’intérieur des communautés autochtones, et, surtout, la loyauté. Et c’est là-dessus que le titre prend tout son sens ; j’ai dû me renseigner — le Blood Quantum est l’indice utilisé pour déterminer la proportion de nature autochtone dans le sang d’un individu afin de déterminer son droit d’appartenance à une communauté. C’est une mesure fortement critiquée qui a amené les communautés à s’entre-déchirer. Et de s’entre-déchirer, celle-ci !
Oui, y’a du gore avec des effets spéciaux réussis en majeure partie. Mais dans ce cas-ci, c’est vraiment pas ce qui est le plus horrifiant.
Vu sur Shudder.com