Le prolifique Jordan Peele, l’enfant chéri du cinéma d’horreur des quelques dernières années, qui nous avait sidéré avec la tonne de brique qu’est son film Get Out et qui a connu un succès étincelant avec la reprise de The Twilight Zone, nous livre ici une autre réflexion sur la situation afro-américaine. Alors que Get Out mettait en lumière la dominance blanche, Us se penche sur les sacrifices pour s’intégrer au rêve américain.
Cette fois-ci, la trame narrative se complique, se truffe de symbolisme afin d’élargir le territoire. Je ne vais pas me lancer dans une explication profonde des métaphores, d’autres l’ont déjà fait.
Peele est un conteur qui se prête définitivement à une cinématographie intense – il raconte des histoires à deux niveaux, deux faces et met de l’avant une violence psychique forte jusqu’à en injecter le malaise. Ça donne toujours lieu à des images qui frappent. Us n’y fait pas exception.
L’actrice principale, Lupita Nyong’o, est tout simplement phénoménale. Les facettes aux antipodes l’une de l’autre qu’elle affiche sont hypnotisantes. La face sombre du personnage (que l’on voit sur l’affiche principale) est un trou noir dans lequel on tombe dès les premiers plans. Elle porte le film en entier sur ses épaules et on entendra reparler.
Et c’est un des grands problèmes du film.
Tout d’abord, les personnages secondaires, que l’on oublie tous au passage, ébloui que l’on est par Lupita : le mari flasque, boîteux (litéralement et dans son exécution), pâteux ; le fils transparent, sans âme, malgré le jeu intense du jeune Evan Alex ; Madison Curry y tire tout de même son épingle du jeu et s’approprie la jeune fille de la famille de manière très crédible – on y reconnaît certains membres de notre entourage, à qui on ne confierait pas un bâton de golf non plus. Même Elisabeth Moss, qui s’est hissée dans les hautes sphères de l’horreur avec Invisible Man et Shirley est tout simplement gaspillée - la (longue) scène de confrontation sanglante entre les deux femmes la voit, à mes yeux, carrément cabotiner.
Les images sont percutantes, les couleurs saturées à souhait (les séquences dans le sous-sol de la foire, le stationnement de la confrontation finale). Plein de métaphores et de références, le visuel est quand même un peu plus chargé que celui de Get Out et donc pas toujours facile à digérer.
Certains clichés sont trop gros pour passer, par contre : les menottes avec la table, le tisonnier, les interactions avec le mari, entre autres. Mais cette voix, ce son qui sort d’un gosier écrasé, l’expression d’un être écrasé mais tenace !
C’est un autre film dont les minutes finales modifient ce qu’on a passé plus d’une heure à regarder (je ne venderai pas le punch, et ne lisez pas d’article qui vous explique la fin si vous décidez de le regarder).
Le punch frappe.
Mais la fin qui, si elle n’est pas une copie volontaire, est un écho total de la finale greffée à Blade Runner à sa sortie, qui fut vilipendée de par le changement de ton à casser le cou. Ici aussi, on tente de régler la boucle trop facilement, et le nœud est trop gros et manque de finesse. Le clash de ton est trop raide.
C’est loin d’être un mauvais film, mais l’effort n’atteint pas Get Out, et ça déçoit.
Vu sur Blu-Ray.